Vortrag: Elena Vogman – Das Milieu und das Gehirn (fr.)

Französischsprachiger Vortrag von Elena Vogman am 17. Juni 2022
Im Rahmen der Veranstaltungsreihe ›Cinéma du corps, cinéma du cerveau ‹ an der Université Aix-Marseille, organisiert von Jacopo Bodini, Stanislas de Courville und Marie Rebecchi

Elena Vogman Vortrag milieu

Zur Veranstaltungsreihe

L’objectif de cette journée d’étude sera d’interroger la distinction opérée par Gilles Deleuze dans L’Image-temps, au chapitre intitulé « Cinéma, corps et cerveau, pensée », entre deux « types » de cinéma, celui du corps, dit aussi « physique », et celui du cerveau, appelé également « cérébral ». Il ne s’agira pas alors de simplement offrir un commentaire sur la pensée du philosophe quant au cinéma, mais de poursuivre ou de refuser une telle dichotomie à travers, d’une part, l’étude théorique de son argumentation, appuyée par des réflexions extérieures plaidant en faveur ou contre cette distinction (phénoménologie, cognitivisme, etc.), et, de l’autre, par l’étude de films pouvant s’inscrire dans l’un ou l’autre type de cinéma ou bien en brouiller la frontière. On se penchera ainsi sur ce à quoi peuvent bien correspondre ces deux types de cinéma, aussi bien avec Deleuze qu’après – et même sans ou contre – lui, grâce aux interventions de spécialistes en esthétique, en études filmiques et en philosophie.
Un ensemble de questions naît d’abord de la relecture du chapitre de L’Image-temps consacré à cette distinction. Le cinéma des corps n’est-il tel que parce qu’il les montre, les exalte dans des postures ou des gestes (spectaculaires ou cérémoniels), se distinguant par exemple du burlesque du cinéma « classique » par un effet de stylisation (brechtien ou meyerholdien) ? Gestes ou postures des corps qui tendent à se substituer aux connexions logiques ou conventionnelles des films en ce que c’est désormais « l’enchaînement formel des attitudes qui remplace l’association des images ». Ou bien peut-il être dit tel parce qu’il implique les corps de ses spectateurs d’une manière spécifique, par exemple par la mobilisation de sens autres que la vue ou l’ouïe comme avec le Polyester de John Waters (1981), voire extrême, notamment par le renforcement de l’identification avec des personnages pris dans des situations violentes tel le Fliora de Requiem pour un massacre (Idi i smotri, Elem Klimov, 1985), dont l’état perceptif de plus en plus halluciné se communique à ou fait corps avec celui du spectateur ? Quant au cinéma du cerveau, doit-il être qualifié ainsi du fait de sa tendance à présenter des images – labyrinthiques, synaptiques – rappelant le fonctionnement de l’activité cérébrale et allant, comme dans le cas des films de Kubrick ou de Resnais, jusqu’à affirmer « l’identité du monde et du cerveau » ? Ou bien est-ce parce que le dispositif cinématographique, ou l’un de ses éléments comme le montage, présente une étrange isomorphie avec le cerveau humain ?
D’autre part, il semble que chez Deleuze les deux types de cinéma correspondent à l’atrophie ou la pathologisation de l’un ou l’autre pôle. Dans ce cas, un cinéma ne serait-il dit « du corps » que par le supposé dysfonctionnement cérébral de ses personnages ou l’empêchement des connexions (neuro-)logiques de son spectateur, avec pour aboutissement d’une telle carence cette « débilité du cervelet » que Deleuze dénonçait dans les nouvelles formes filmiques de son époque telles que le clip musical, lorsqu’elles étaient dévoyées ? Et le cinéma du cerveau, quant à lui, ne correspondrait-il alors pas à cette asthénie généralisée dont Kira Mouratova avait frappé ses personnages et leur milieu en lambeaux (Le syndrome asthénique, 1989), comme à des visions aqueuses, algoïdes ou flottantes, dont la planète océan Solaris serait l’emblème ? C’est en suivant de telles pistes que nous interrogerons la distinction deleuzienne pour mieux nous en réemparer ou la retravailler à l’aune de l’histoire du cinéma comme de ses développements les plus récents.
Nous pourrons également chercher du côté des sources d’inspiration de Deleuze, et en premier lieu de celui d’Eisenstein, lui qui, comprenant combien le spectateur doit être « monté » dans le film, est passé peu à peu d’un ciné-poing, ou du montage des attractions, à un cinéma intellectuel. Dans ses théories du montage des années 1920, en effet, Eisenstein passait de l’idée d’un théâtre et d’un cinéma capables de soumettre le spectateur à une agression psycho-physiologique afin de réorganiser sa sensibilité dans une intention idéologico-politique précise (« Le montage des attractions »), à l’idée d’un cinéma comme attraction intellectuelle basé « sur la chaîne des réflexes combinés[,] action par chaînes associatives » (« A. I. 28 »). Ce cinéma intellectuel ne correspondrait-il pas alors à celui du cerveau et, inversement, celui du corps au premier temps des attractions eisensteiniennes ? Si Deleuze aurait eu tendance à le refuser du fait de sa séparation entre deux « âges » du cinéma, ce sera à nous de réinterroger cette possibilité comme celle, plus générale, de cette distinction entre deux types de cinéma, avec ou après le philosophe, en n’hésitant pas, au cours de nos investigations communes, à nous éloigner si nécessaire d’une trop grande pesanteur de ses concepts.


Zum Vortrag »Le milieu et le cerveau. Les médias de la psychothérapie institutionnelle« (Elena Vogman)

Diagnostiqué de schizophrénie et patient de l’hôpital psychiatrique de Rodez, Antonin Artaud parle de son état en matière d’expérience de la « fin du monde qui remplit peu à peu [s]a pensée ». Ce vécu apocalyptique – traversée cérébrale de la mort – est analysé par le psychiatre catalan François Tosquelles, fondateur de la psychothérapie institutionnelle (dont certains concepts seront assimilés plus tard par Deleuze et Guattari dans les deux tomes sur Capitalisme et Schizophrénie). Dans Le vécu de la fin du monde dans la folie (1948), Tosquelles voit dans les crises morbides, souvent causées par la catastrophe de la Deuxième Guerre mondiale, une expression de la perte du monde et en même temps une tentative de reconstruction. C’est cette impuissance de la pensée – sa pétrification, sa décomposition, son anéantissement – dont Deleuze fait le paradigme de l’image-temps. « Ce que le cinéma met en avant », écrit-il, « ce n’est pas la puissance de la pensée, c’est son “impouvoir” ». Il articule le passage de l’image-mouvement à l’image-temps par la confrontation de deux figures : Sergueï Eisenstein et Antonin Artaud. Au lieu de rendre la pensée visible ou la soumettre à l’inconscient, il s’agit pour Artaud de « rejoindre le cinéma avec la réalité intime du cerveau ».
Nous allons interroger l’impuissance de la pensée, articulée par Deleuze, avec la clinique de Tosquelles ainsi qu’avec les films et d’autres pratiques de médias (les ateliers de théâtre, l’imprimerie, le journal intra-hospitalier, etc.) développées à l’hôpital de Saint-Alban en Lozère en collaboration avec les patients. Ces pratiques visaient à récréer un milieu de vie atteint par l’expérience de la catastrophe et de la folie.


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Datum/Zeit: 17. Juni 2022, 10.00 – 10.45 Uhr
Ort: Université Aix-Marseille, Turbulence, bâtiment 14 (Site Saint-Charles) – 3, place Victor Hugo 13331 Marseille
Eintritt: frei
Anmeldung: unter https://www.billetweb.fr/pro/turbulence

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